EMPREINTES
Dans l’expérience du saisissement, l’artiste Michèle Tassi poursuit le cheminement d’une exploration. Les corps présentés apparaissent par couple ou en groupe, émergeant par la transparence même qui les constitue, afin d’imprimer sur la toile indiciblement floutée l’empreinte de leur mouvement.
D’où viennent ces figures ? Que représentent elles ? La démarche de création donne à voir l’apparition de silhouettes se dévoilant dans l’invisible. Dans un espace indéfini, tramé par la matière même de la toile et soutenue de subtils dégradés de fonds aux étendues bleues, vertes ou grises, celles-ci font songer à des identités spéculaires dont les formes esquissent un trajet dansant.
Toutefois, ce pourrait être, également, une représentation libre des formes lorsque le féminin et le masculin vivent leur complétude dans un dessein suggéré entre ce qui, tout aussi bien, pourrait être nommé « anima et animus ».
Ces créatures semblent encore surgir de l’inconscient comme du rêve. Représenteraient-elles, alors, la rémanence d’une Image, l’Imago dédoublée, « redoublée » d’un tableau à l’autre, au travers de l’expérimentation de l’artiste ?
Aussi, ces entités qui portent l’empreinte d’un tracé, laissent-elles paraître en l’estompant, ce monde impalpable, fugace et pourtant tangible. Ainsi ces figures allant en binôme, se cherchant, se regroupant, inscrivent sur la toile, l’indicible présence qui les mène à vivre le temps palpable de leur Apparition.
Nées des Visions du peintre, elles nous offrent, vivace, la trace d’une mémoire enfouie. On les voit voyager, entre ciel et terre, nimbées d’une luminosité qui émane de la lumière diaphane qui les habite, faite à la fois de transparence et d’opacité. Capté sur la toile, dans une plastique livrée à l’imprégnation même de l’inapparent, le processus de création donne un corps de matière à figer sur la toile sans pour autant être définitif.
Ici, l’Apparence semble liée à l’intemporel de leurs présences.
Ces figures voudraient-elles se rejoindre tout en gardant leur individualité ? Ce qui ressort de ces tableaux, c’est bien une genèse, celle de la naissance d’un chemin. Celui-ci donne à appréhender par l’empreinte, la vie en devenir de ces êtres proches de l’archétype. Michèle Tassi suscite dès lors, en sa recherche, la mémoire archaïque de l’être dans son lien organique avec la terre, la mer, un monde immatériel engendrant la persistance d’une sorte de silence du mouvement.
Florence M.-Forsythe,auteur.